Petite Sociologie

Biodiversité & Sociotypes

Une étude du laboratoire de la Bateauthèque de Bages

À l’été 2017, et sur proposition de l’académie des Garzettes, un relevé scientifique précis de la biodiversité lagunaire a été initié.

Les résultats ici publiés sont formels et ne laissent aucun doute : la biodiversité existe; nous l’avons rencontrée.

Ainsi 7 sociotypes ont été identifiés et qualifiés. Leurs mœurs, leurs pratiques sociales, pour certains leur mode de reproduction et de nidification ont été explorés. Mais cette étude demeure incomplète : certaines espèces à propos desquelles des témoignages ont été recueillis sont probablement aujourd’hui disparues. D’autres apparaissent… la nature fait son œuvre.

L’étude se poursuit donc et un observatoire permanent devrait être déployé sans délai.

Dans nos prochaines publications nous examinerons l’interfécondité des espèces, thème sur lequel des expériences de terrain seront conduites (les volontaires peuvent dès à présent se faire connaître auprès de la Bateauthèque qui assure le recrutement).

Cartographie sociologique

La Rêveuse des Pontons

rêveuse des pontons

La Rêveuse des pontons a 40 ans. Ou bien elle les a eus; ou elle les aura. Ce sociotype ne semble pas compter de mâles ce qui constitue en soi une caractéristique essentielle de l’espèce mais s’il existe, du moins, le mâle est nécessairement un prince charmant puisque c’est ainsi qu’il a été décrit par les spécimens examinés (tous femelles). Le plumage est discret et de bon goût. Le chant est discret, de bon goût et légèrement nostalgique. La Rêveuse des Pontons n’attaque pas l’Homme; mais elle ne serait pas contre. Elle aime l’étang qui est infini mais sans excès. Elle peut le contempler des heures durant. Un jour, elle ira sur l’eau. On peut distinguer la RdP qui est allé sur l’eau de celle qui n’a pas encore réalisé cette étape de son parcours d’adulte par la simple écoute de son chant, lequel se modifie à cette occasion : avant ce rite de passage, c’est un chant court et répété dont le son est approximativement ‘OhcébO’, ensuite cela devient une mélopée lancinante et douce plus proche de ‘gÉréalizémonrÊve’. La RdP est aisément observable sur ou à proximité des pontons. C’est très joli.

 

L’Echancré Estival

Echancré EstivalL’Echancré Estival, mâle ou femelle, se distingue par un plumage très remarquable du fait de son caractère lacunaire (et c’est une des causes invoquées par les scientifiques pour son habitat lagunaire intermittent mais ce point est douteux et le débat n’est pas clos). Ces lacunes (baptisées ‘échancrures’) laissent apparaitre des fractions d’épiderme souvent scarifiées de manière rituelle en différentes teintes de sorte qu’on ne peut pas penser qu’elles sont aléatoires mais au contraire judicieusement agencées. Le mâle est souvent échancré du haut alors que la femelles est plutôt échancrée du bas, mais cette caractéristique est trompeuse et il faut constater que certaines femelles sont échancrées du haut et du bas (on les appellera polyéchancrées lagunaires) et que certains mâles reproduisent cette polyéchancrure (mais eux, on ne les appellera pas du tout). L’EE navigue assez peu. Il a un problème avec le gilet de sauvetage qui masque l’échancrure et fait ainsi obstacle à sa présence sur les étangs. Nota : on peut parfois confondre l’EE avec un Aquaphobe Anisé et il n’est pas exclus qu’ils soient interfécond. Ce point sera examiné lors de prochaines études.

 

L’Aquaphobe Anisé

Aquiphobe AniséAisément identifiable, l’Aquaphobe Anisé (ou AA) est un sociotype très représenté sur les bords d’étang et nullement menacé. Ses particularités sont multiples (notamment son chant vigoureux et souvent martial ainsi qu’une singulière caractéristique olfactive constituée d’un sillage anisé – d’où il tire son nom) mais la plus remarquables de ses distinctions est qu’il niche systématiquement dos à l’étang et que, même lorsqu’il est face à l’étang, il semble lui tourner le dos. Ainsi une expérience scientifique plusieurs fois reproduite est-elle très édifiante (nota : cette manipulation présente des dangers et nous la déconseillons hors laboratoire) : prendre un AA de belle taille, l’assujettir sur un tabouret pivotant en bord d’étang mais à proximité d’un comptoir ou on aura préalablement disposé un cruchon marqué ‘51’ : on verra immédiatement le tabouret s’orienter en direction du cruchon. Pivoter alors le spécimen de 180° (attention cette phase est dangereuse) ; moins de 5 secondes seront nécessaires au tabouret pour retrouver sa position initiale, face au cruchon, dos à l’étang. Aucune explication à ce phénomène. On sait que l’AA connaît la composition aqueuse de l’étang mais il s’en méfie. On n’a vu aucun spécimen s’en approcher. Nota : l’Aquaphobe est parfois aussi Echancré et réciproquement.

 

Le Piscicole Dissocié

Piscicole dissocié

Le Piscicole Dissocié vit en couple mais le mâle et la femelle présentent la particularité de vivre une dissociation régulière et très spécifique à l’espèce. La proximité de l’étang exacerbe ce mécanisme qu’il est très intéressant de décrire : ainsi le mâle flotte mais non la femelle laquelle se tient généralement sur le rivage. Dès qu’il en a la possibilité, le Piscicole s’éloigne de la berge à laquelle il tourne le dos, il ne chante alors ni ne pépie –  ce qui laisse penser à tort qu’il n’a pas de chant du tout – et il apprécie que le silence se fasse autour de lui. Il est en cela respecté des autres espèces. Les couples sont très stables mais leur reproduction reste mystérieuse dès lors qu’une distance d’environ 20 à 30 mètres sépare généralement le mâle de la femelle et, pourtant, certains fondent apparemment des familles, lesquelles à leur tour reproduisent cet étrange phénomène.

 

Le Solitaire des Etangs

Solitaire des étangsLe Solitaire des Etangs a deux vies : l’une durant laquelle il nidifie, chasse, se nourrit, se coupe les ongles et fait faire la vidange de sa voiture (il ne sait pas faire la vidange lui-même) mais de cette vie-là on ne sait à peu près rien de notable ni d’intéressant – et cet article renonce à l’explorer – et l’autre au cours de laquelle il est seul au monde et où il flotte. Cette seconde vie est simple et tellement linéaire qu’elle en devient étonnante puisqu’elle est totalement dépourvue de but, exempte de toute productivité, et n’a pour objet ni la reproduction de l’espèce ni la conquête de la Pologne (la Pologne est juste un exemple mais, à une époque, c’était très couru; pour la conquête.). Il peut s’agir d’une quête mystique mais on n’en a aucune indication. Ses trajets sont souvent d’une simplicité déconcertante et pour tout dire, répétitifs. Une éclairante expérience consiste à cet égard à piéger un Solitaire (c’est très simple puisque son trajet est rectiligne et connu) au moyen –  par exemple – d’un filet à solitaire, puis de le relâcher n’importe où sur l’étang. On constatera que, d’une part, pendant sa captivité, le spécimen pagaie dans le vide méthodiquement et sans s’émouvoir, puis que, reposé dans l’eau, il n’hésite que quelques secondes avant de retrouver son trajet initial. Le Solitaire des Etangs n’est pas nuisible. Pourrait à la rigueur intéresser une Rêveuse des Pontons.

 

L’Ereinteur Familier

éreinteur familierL’Ereinteur Familier n’est pas exactement farouche mais son approche nécessite quelques précautions. Son observation impose une bonne forme physique, une persévérance dans l’effort et une aptitude au pentathlon dûment entretenue. Il peut nidifier à peu près partout, le fait de manière active, et on soupçonne qu’il maîtrise aussi la pose de Placoplatre mais nous ne nous intéresserons pas ici à cette aptitude (pour plus de détail lire ‘petite sociologie du biotope de Bricorama’ in Maison & Jardin n° 17693). L’Ereinteur a généralement une lignée nombreuse et celle-ci est nécessaire à l’accomplissement de son œuvre, à savoir : tout faire, ne pas s’arrêter et recommencer quand c’est fini. Mais, jamais seul. La Nichée doit suivre et, à défaut de s’extasier, souffrir en silence en parcourant les kilomètres dans les 3 dimensions, l’horizontale n’étant qu’une des possibilités et, même dans cette éventualité, on doit envisager qu’elle soit pratiquée sur un pied, à reculons, sans les mains – existe également en version rampée et les yeux bandés. L’étang est pour lui un milieu idéal mais, comme tous les autres milieux ; et aussi certains bords. Dans l’éventualité où on capturera un Ereinteur, il n’est pas exclus qu’on reçoive les remerciements de la famille et aucune rançon ne sera versée.

 

Le Grégaire Monoflottant

Grégaire monoflottantTrès difficile à caractériser individuellement (chacun est – isolément – totalement différent des autres) , le Grégaire Monoflottant est, comme son nom l’indique, très repérable dans ses comportements de groupe, configuration qu’il affectionne. À l’opposé de la notion d’intelligence collective réputée régir le mouvement harmonieux des bancs de poissons ou des nuées d’étourneaux (pour des raisons évidentes, ne garez votre véhicule sous aucune des deux assemblées) la grégarité ne confère ici aucune caractéristique cohésive au groupe susnommé : en fait, chacun des membres du groupe se demande ce qu’il fait là et il le fait donc à contrecœur de manière parfaitement désordonnée et le plus souvent aberrante (donc ne vous garez pas non plus ici). Pour ce motif, le Monoflottant est ainsi qualifié parce qu’il ne flotte généralement qu’une seule fois : il est venu par désœuvrement et on ne l’y reprendra pas; la prochaine fois ce sera patinoire – mais en fait, c’est nul aussi. Le Grégaire juvénile fait tout son possible pour se reproduire (ou quelque chose de ce genre) mais souvent ça ne fonctionne pas parce que l’individu visé en vise un autre qui en vise lui-même un autre. Le grégaire adulte est parfois échancré. Le grégaire intergénérationnel s’ennuie atrocement. Si vous dégrégarisez un Grégaire, vous prenez un risque (sa désintégration) mais cela vaut la peine d’essayer – vous pourriez le sauver.

 

 

Bibliographie

Fémina Août 2017             « Tatoo ou piercing, il faut choisir ! – les conseils de Mélania »

Almanach Vermot             Rubrique « existentialisme & pêche au gros »

Sempé                               (tout est à lire – merci Sempé)

La Bible des Gédéons         (elle était dans la table de nuit du Campanile alors je l’ai lue) « kayak ou marche sur l’eau, tous les conseils d’équipement pour votre réussite professionnelle en milieu ecclésiastique lagunaire »

Nous-Deux Janvier 1953    « Réussir sa vie de couple en solitaire après 40 ans ou comment rater le Prince Charmant »

Catalogue 2017 Castorama        « Posez vous-même votre Placoplatre, facilement et en famille »

Cuisine & vins de France     « Pernod, Berger ou Anisette, comment éviter la faute de goût ? »

Bourdieu                               « La Sociologie lacustre n’est pas un sport de combat sous-terrain »